Dans le cadre de l'étude systématique des alcaloïdes des Annonacées, nous avons extrait et identifié les alcaloïdes d'une Annonacée colombienne, Annona hayesii Saff. Des écorces de tronc de ce petit arbre ont été isolés quinze alcaloïdes dont un est nouveau (voir Tableau 1). Les structures des alcaloïdes connus ont été déterminées par analyse de leurs données physiques et spectrales, suivie de comparaison avec des échantillons authentiques lorsque cela était possible. La litseferine est décrite ici pour la première fois sous forme de base, son isolement ayant été effectué antérieurement sous forme de son dérivé O,N-diacétyli. La structure de la litseferine a été déduite de l'examen de son spectre RMN, qui indique une noraporphine substituée en 1,2 par un méthylènedioxyle et en 9 et 10 par des groupements hydroxyle et méthoxyle (1-3). L'hydroxyle a été placé en 10, d'une part, en raison de l'absence d'effet hyperchrome en milieu alcalin sur le spectre UV (4), d'autre part en raison de la différence de comportement, en CCM, de l'alcaloïde, avec l'actinodaphnine, aporphine isomère hydroxylée en 9 et méthoxylée en 10. L'alcaloïde nouveau isolé à partir de cette plante possède la formule brute C₁₆H₁₅NO₂ (SM HR) et en SM, l'ion moléculaire perd successivement deux groupes méthyle, la perte du premier donnant le pic de base. Son spectre UV est assez complexe et compatible avec une structure aromatique fortement conjugée. Son spectre IR ne donne aucun renseignement important, par contre, son spectre de RMN ¹H montre clairement la présence d'un noyau pyridinique dont les positions α et β ne sont pas substituées et portant en γ un groupe méthyle. Le spectre RMN indique également la présence de deux méthoxyles qui résonnent à champs assez faibles (3,99 et 4,26 ppm) et de quatre protons aromatiques attribuables à un noyau benzénique ortho-disubstitué. Des expériences de E.N.O. ont montré que le méthyle en γ du noyau pyridinique est voisin du méthoxyle résonnant à 3,99 ppm qui, lui même, est proche du proton aromatique résonnant à 8,29 ppm sous forme de multiplet. Le deuxième méthoxyle est, selon une expérience analogue, à proximité du proton aromatique résonnant, également sous forme de multiplet, à 8,44 ppm. Cet alcaloïde est donc l'aza-1 diméthoxy-9,10 méthyl-4 anthracène. Il peut être considéré comme le produit de réduction et de O-méthylation de l'aza-anthraquinone, la cleistopholine [1] (5), qui se trouve également dans les écorces d'A. hayesii. Cet alcaloïde nouveau a été dénommé annopholine [2]. Tous ces alcaloïdes, sauf l'annopholine, sont connus. Toutefois, certaines remarques méritent d'être faites. Parmi les aporphines, deux sont isolés pour la première fois d'une Annonacée, la nordomesticine, signalée précédemment chez une Lauracée, Cassytha pubescens R. Br. (6) et chez une Monimiacée, Hedycaria pawifolia Perkin et Schlechter (7) et la litseferine décrite précédemment chez Litsea sebifera Perf. (8), de la famille des Lauracées. La norcepharadione A est isolée ici pour la deuxième fois, son isolement initial ayant été effectué à partir d'une autre Annonacée, Oncodostigma monosperma (Hk. f. et Th.) J. Sinclair (9). La présence de la cleistopholine [1] et de l'annopholine [2], deux azaanthracènes, est également intéressante à noter. Ce type d'alcaloïde, représenté jusqu'ici uniquement par la cleistopholine, est nouveau et a été rencontré récemment chez trois Annonacées, Cleistopholis patens (Benth.) Engl. et Diels (5), Guatteria dielsana R.E. Fr. (10), et Meiogyne virgata (Bl.) Miq. (11). Sa découverte a permis de postuler une hypothèse biogénétique, rattachant les alcaloïdes à squelette méthylazafluorenone, telle l'onychine, aux aporphinoïdes (11).